Portrait de Marie-Pierre Pruvot dite Bambi
© Éric Garault

Égalité femmes-hommes

Bambi, le parcours d’une pionnière

Marie-Pierre Pruvot est l’une des premières femmes transgenres à avoir raconté publiquement son parcours de transition. À près de 90 ans, la Pantinoise vient de publier ses mémoires, Bambi, une vie ordinaire, qui se lit comme un manifeste pour la liberté.

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C’est un destin hors norme que raconte Marie-Pierre Pruvot. Une histoire qu’elle a choisie de cacher un temps avant de lever le voile sur ce passé qui dit quelque chose de nos conventions sociales, de leurs évolutions et de l’acceptation des marges dans notre société. Marie-Pierre est née garçon, en 1935, dans une Algérie alors colonie française. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle détestait le prénom Jean-Pierre que ses parents lui avaient donné. « Jean-Pi », comme on la surnommait, se sentait fille, portait les robes de sa sœur et les cheveux le plus long possible.

Retrouvez tous les articles du dossier « Pantin, l'été de toutes les égalités », réalisé par Catherine Portaluppi, Guillaume Gesret et Anne-Laure Lemancel : 

► Dans Canal n°337 (Juin 2025)
► Dans la rubrique "Aller plus loin"

 

À l’âge de 18 ans, elle brise le carcan et fuit l’Algérie pour Paris où elle se réinvente en Bambi, personnage sensuel qui brille dans la nuit des cabarets. Durant les années 50 et 60, elle chante et danse chez Madame Arthur et au Carrousel. Rapidement, elle devient une vedette du music-hall qui divertit le tout-Paris. C’est aussi la période où elle avale des hormones et prend le risque de se faire opérer à l’étranger pour aller plus loin dans sa transition de genre. En 1968, les autorités algériennes lui accordent l’état civil féminin : Jean-Pierre devient officiellement Marie-Pierre.

Devenir une femme ordinaire

À l’âge de 33 ans, comme elle le détaille dans ses mémoires, elle prend une décision radicale qui lui permettra d’exaucer son rêve le plus fou : celui de devenir « madame Tout-le-Monde », une femme ordinaire pleinement intégrée dans la société française. Elle passe alors le baccalauréat et entame des études de lettres à la Sorbonne qu’elle conclut par l’obtention du Capes. Bambi quitte ainsi le monde de la nuit et devient Madame Pruvot, professeure de français dans un collège de Garges-lès-Gonesse. Durant 25 ans, ni ses élèves, ni ses collègues ne feront le lien entre Marie-Pierre Pruvot et Bambi, l’ex-meneuse de revue.

Naissance d’une icône

    Dans les années 2000, Marie-Pierre goûte aux plaisirs de la retraite et emménage à Pantin, dans le quartier de l’Îlot 27. C’est alors qu’elle entreprend l’écriture de son premier ouvrage Marie parce que c’est joli, paru en 2007. Son témoignage singulier interpelle, fascine même. Mireille Dumas l’invite sur le plateau de l’émission Vie privée, vie publique et le réalisateur Sébastien Lifshitz lui consacre un très beau documentaire qui sort au cinéma en 2013.

    L’année suivante, la France lui remet les insignes de Chevalier de l’ordre du Mérite et Marie-Pierre Pruvot devient une figure emblématique. Une icône même, aux yeux de la jeune génération engagée dans les luttes LGBTQIA+.

    D’ailleurs, Paloma, lauréate de la première saison de Drag Race France, travaille actuellement à la réalisation d’un biopic inspiré de sa vie. Ce statut singulier lui vaut aussi, dans le cadre de la promotion de son dernier livre Bambi, une vie ordinaire, publié chez Denoël, une couverture médiatique de premier plan.Le Monde lui consacre ainsi une page entière sous la plume de Raphaëlle Bacqué ; Libération son portrait de dernière page et La Matinale de France Inter l’a invitée à son micro pour l’entretien de 9 h 20. Rien que ça !

    •  Bambi, une vie ordinaire, éd. Denoël (246 pages) : 20,90 euros