Pantin Installation du Conseil des enfants
© Fatima Jellaoui

Démocratie locale

À l’écoute des Pantinois

Si la participation citoyenne se développe à Pantin depuis le début des années 2000, elle s’est nettement renforcée à partir de 2020 avec la création d’instances représentatives et la multiplication des concertations.

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La ville cherche aussi à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas, à l’image des non-francophones, des jeunes, des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. On fait le tour de la question alors que, le 1er juin, s’ouvre la phase de vote de la sixième édition du budget participatif, dont le montant atteindra cette année un million d’euros.

Retrouvez tous les articles du dossier « Propreté : l'affaire de tous », réalisé par Christophe Dutheil, Frédéric Fuzier, Guillaume Gesret et Guillaume Théchi : 

► Dans Canal n°336 (mai 2025)
► Dans la rubrique "Aller plus loin"

Qui connaît mieux Pantin et ses problématiques que ses habitants ? La réponse est... personne ! C’est précisément la raison pour laquelle, depuis plusieurs années, tous les projets mis en œuvre par la ville sont d’abord soumis à des concertations auxquelles chacun est appelé à prendre part, et ce, dans les règles de l’art de la démocratie participative. Car à Pantin, point de consultations binaires, où l’on doit répondre par « oui » ou par « non » à une question, mais des concertations qui permettent de faire ses propres propositions ou de débattre sur tel ou tel aspect.

La méthode ? Aider les participants à s’emparer complètement des sujets en mobilisant de nouveaux canaux et des dispositifs inédits.

Un nouvel état d’esprit

C’est ainsi que, l’an dernier, pour le choix du nom du kiosque à musique Anne-Sylvestre, les promeneurs du parc Stalingrad pouvaient lire de simples panneaux biographiques ou découvrir des titres des différentes compositrices en lice à l’aide de bornes d’écoute par conduction osseuse. Il suffisait de poser ses coudes sur l’appareil et les mains sur ses oreilles pour entendre la musique.

 

Plus classiquement, pour la grande opération de féminisation des noms d’équipements et de voies menée en début d’année, les Pantinois avaient la possibilité de voter en ligne (lire l’encadré ci-contre), par correspondance (via des enveloppes pré-affranchies) ou sur place par le biais de buzzers. Et, concernant les consultations, particulièrement ambitieuses, sur la requalification de l’Îlot 27, la conception du parc du futur écoquartier et celle de la halle sportive Rebecca-Cheptegei, plusieurs ateliers de travail et d’information, mais aussi des visites et des déambulations, ont été menés avec les habitants.

En plus des réunions publiques et des rencontres avec Bertrand Kern – cinq rendez-vous Bonjour M. le Maire ont notamment été organisés en décembre –, l’esprit de concertation infuse dans chacune des décisions de la ville, y compris les plus localisées. Citons, par exemple, la récente consultation sur la piétonisation de la rue Magenta ou encore celle relative à la réfection du mail de la Chocolaterie.

Concertations en tout genre

Pour définir les grandes orientations de ses politiques publiques – ce qui fut par le passé la prérogative des seuls élus –, Pantin s’est par ailleurs dotée très tôt d’instances participatives, lesquelles associent directement les citoyens à la conduite des affaires municipales.

Jeparticipe.pantin.fr, une fabrique de la citoyenneté

Vous avez envie de donner votre avis sur un projet d’aménagement ou bien de faire une proposition pour le prochain budget participatif ? Rien de plus simple si vous disposez d’un ordinateur ou d’un smartphone connectés à internet !

► La ville s’est en effet équipée, l’an dernier, d’une nouvelle plateforme en ligne de concertation citoyenne : jeparticipe.pantin.fr. « Cette dernière centralise toutes les concertations en cours et les informations sur les instances liées à la démocratie participative, explique Simon Bouhoulou, responsable du pôle Participation citoyenne. Ainsi, un habitant qui se connecte afin de proposer un projet pour le budget participatif peut ensuite, en quelques clics, s’informer sur toutes les consultations du moment. » 
► Le site est aussi précieux pour découvrir les dates des réunions publiques et des événements liés aux concertations

 

Ainsi, le Conseil des enfants pantinois, qui réunit 40 membres âgés de 9 à 11 ans fréquentant les centres de loisirs, a été créé en 2006, tandis que celui des jeunes, composé de 30 adolescents, est né un an plus tard. Deux instances qui sont forces de proposition, de même que le Comité vélo – ce dernier réfléchissant à la meilleure façon d’aménager la ville pour les cyclistes. Récemment, ses 30 membres ont mis en lumière des conflits d’usage aux abords de deux écoles et ont discuté de la création d’arceaux à vélos devant certains équipements publics. Le mois dernier, un groupe de travail, composé d’habitants, de cyclistes, de piétons, d’élus et de techniciens, a, de son côté, planché sur l’aménagement du carrefour formé par la rue Hoche et l’avenue du Général-Leclerc. Un Conseil des aînés a enfin été installé en septembre afin, notamment, de mettre en place des actions en direction des plus de 65 ans.

Comité des enfants pantinois, comité vélo, comité des jeunes pantinois... Découvrez toutes les instances pantinoises sur le site jeparticipe.fr

Santé et accessibilité aussi

Pour aller plus loin, la ville s’apprête à renforcer la Commission communale d’accessibilité qui réunira prochainement des usagers en situation de handicap et des associations, « afin d’améliorer l’accessibilité de la voirie et des équipements publics, mais aussi l’accès à la culture et aux loisirs », souligne Anne-Marie Le Cain, directrice de la Santé de la ville. « Nous avons, en outre, pour objectif de créer un Comité des usagers des Centres municipaux de santé (CMS) sur le modèle des représentants des usagers dans le secteur hospitalier, complète Philippe Lebeau, conseiller municipal délégué à la Santé et au Handicap. Le but sera de réfléchir à l’amélioration des prises en charge. »

Reste pour la démocratie participative à mieux écouter les « inaudibles » que peuvent être les exclus ou les non-francophones. Pour cela, un certain nombre de spécialistes, comme les chercheurs Manon Loisel et Nicolas Rio, encouragent les municipalités à enrichir leurs dispositifs de recueil de témoignages sur le terrain. C’est déjà ce qui se fait à Pantin où le Conseil des enfants a réalisé des micro-trottoirs. Pour les concertations à venir, la ville envisage d’organiser des captations sonores qui pourraient être diffusées sur une radio locale.

Trois questions à...

Mathieu Monot, adjoint au maire en charge du Développement urbain durable, des Écoquartiers, de l’Innovation par la commande publique et de la Démocratie locale.  

Samir Amziane, adjoint au maire en charge de l’Interpellation citoyenne et des quartiers Église et Petit-Pantin–Les Limites.

Canal : Pourquoi Pantin accorde-t-elle autant d’importance à la consultation de ses citoyens ?

Mathieu Monot : Tout simplement parce que c’est la meilleure façon de concevoir de bonnes politiques publiques. On ne fait pas le bonheur des gens contre leur gré. Tous les projets pouvant être soumis à la concertation doivent donc l’être afin que les citoyens puissent nous aider à les amender et à les enrichir.

Samir Amziane : Les consultations sont complémentaires du pouvoir délégatif, accordé lors des élections. En tant qu’élus, nous prenons des engagements et portons des valeurs et des projets. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes experts de tous les sujets et devons tout décider seuls. Nous avons donc souvent besoin de connaître le vécu et les attentes des habitants.

Quel bilan tirez-vous des consultations menées jusqu’à présent ?

M.M. : Je suis très fier du chemin accompli ! Après avoir été l’une des premières villes à avoir mis en place un budget participatif, qui fonctionne très bien, Pantin a continué d’innover. Par exemple, en ce qui concerne le bâtiment hébergeant la future antenne jeunesse des Quatre-Chemins et la Micro-Folie, les habitants n’ont pas seulement été consultés sur des choix de perspectives, ils l’ont aussi été sur des critères environnementaux ou encore sur l’aménagement de l’espace. Dans le cadre de la requalification de l’Îlot 27, Pantin a même été l’une des premières collectivités de France à avoir donné aux habitants la possibilité de se prononcer sur la localisation précise de certains équipements.

S.A. : L’interpellation régulière des citoyens nous aide à utiliser au mieux l’argent public. On voit bien, par exemple, qu’il y a un monde entre les premières pistes cyclables et celles qui sont installées actuellement. Grâce aux concertations, leur conception a, depuis, été nourrie par les retours d’expérience des usagers.

Quels sont vos projets en matière de démocratie participative ?

S.A. : Mon souhait serait que l’on renforce, en parallèle de chaque consultation, l’accès de tous à des informations pertinentes, peut-être au travers d’une université populaire ou de nouveaux dispositifs.

M.M. : La démocratie participative doit sans cesse se réinventer, avec un objectif premier : nous aider à faire participer à la vie du territoire des habitants que l’on n’entend pas suffisamment, comme les plus jeunes ou les étrangers. J’aimerais ainsi expérimenter l’usage de « la voix » des habitants, à travers la radio, le micro-trottoir ou encore le podcast. À partir de la parole, captée sur le vif ou non, on peut facilement recueillir un avis, une idée, une critique. Cela serait précieux pour améliorer, par exemple, nos projets d’aménagement. Et on pourrait impliquer davantage dans les décisions tous ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’écrit ou sont gênés à l’idée de prendre la parole dans les réunions publiques.