Guiss Guiss Bou Bess © Jean-Baptiste Joire 

Musique

Toutes les couleurs du jazz

Publié le

Du 6 mars au 3 avril, le festival Banlieues Bleues revient avec, dans son sillage, une cohorte de musiques aventureuses. Évidemment, de nombreuses escales sont prévues à Pantin, et particulièrement à La Dynamo, le cockpit de la manifestation. Quant à la salle Jacques-Brel, elle embarquera pour le Moyen-Orient avec le groupe Yemen Blues. Présentation.
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans l'Agenda de Canal n°286, mars 2020. 


Comme chaque printemps, le festival Banlieues Bleues fait voyager, dans 11 villes du département, son jazz polymorphe, ses musiques nomades nourries des sons de la planète, ses créations qui bourgeonnent pour donner de belles plantes multi-sonores.
Jeudi 19 mars, la salle Jacques-Brel s’envolera ainsi tout droit vers le Yémen, avec ses rythmes ancestraux et lancinants. Loin, pourtant, de porter sur scène les pures traditions, enfermées dans leurs carcans parfois rigides, Yemen Blues métisse ces trésors séculaires, les pare d’autres couleurs. Le groupe est porté par une vision particulière, une volonté et un esprit solaire – ceux du charismatique chanteur israélien, d’origine yéménite, Ravid Kalahani.

Métissage musical
Aux chants de ses ancêtres, il a ajouté ses épices, glanées au gré de rencontres musicales et de voyages. Aux grains de sable du désert d’Arabie, il mêle les chatoiements ondulants de la soul, les punchs groovys de la funk, l’aridité rocailleuse du rock ou les harmonies audacieuses du jazz. Et puis, pour unir le tout, il y a cette voix, magique. Un chant qui déchire l’air, tour à tour grave, rauque ou suraigu, pétri d’émotion, né d’un cri, d’une respiration, surgi au milieu d’une jungle musicale, où chaque élément se pose à sa juste place. Il y a de la puissance dans la musique de Yemen Blues. Une spiritualité profonde qui amène la paix, un blues qui guérit, une aventure dont nul ne ressort indemne...

Jeudi 19 mars, 20.30
Yemen Blues
Salle Jacques-Brel 

42, avenue Édouard-Vaillant 
01 49 22 10 10 - www.banlieursbleues.org

Une Algérie pop

Le temps d’une création à La Dynamo, le nouveau prince du raï, Sofiane Saidi, réunit des hérauts de la scène underground algérienne. Rencontre. 

Canal: Pour cette création, vous réunissez des figures phares de l’underground musical algérien. Pourquoi ?
Sofiane Saidi :
 Ce qui est drôle, en Algérie, c’est que l’underground suscite davantage d’intérêt que ce qui passe à la télé. Dans mon pays d’origine, les artistes «  mainstream  » ne remplissent pas les salles. En revanche, tout le monde écoute ces hérauts de la contre-culture, mais, comme pour le raï à ses débuts, sans vraiment l’avouer. Ces artistes cheminent et progressent un peu comme PNL à l’origine, à l’écart des médias traditionnels.

Quels musiciens avez-vous choisis ?
S.S. :
 Il y a d’abord Cheikh Abdou, un des artistes les plus écoutés durant les années noires. Très influencé par les medahates, ces orchestres de femmes en Algérie, il se travestit, se maquille, brouille les frontières entre les genres, chante l’amour entre gens de même sexe. Et puis Tipo Bel Abbes, l’une des nouvelles stars du synthé, qui me rappelle les débuts du raï. Il y a, dans sa musique, ce côté «   urgence  ». Il bricole des sons sur son instrument et le lendemain, il les poste sur YouTube. Pour le côté rock survolté, j’ai convié Mehdi Haddab. Se joindront également à nous les medahates de Cheikha Hadjla. Et aussi Ahmed Souafi, le bassiste de Raïna Raï.

Comment résumeriez-vous cette création ?
S.S. :
 Pour moi, cette création est une façon de montrer l’Algérie telle qu’on ne l’a jamais vue, ni imaginée en France : un territoire pratiquement new wave ! On va découvrir une Algérie pop, loin des stéréotypes d’un pays supposé conservateur.

Que signifie Algérie Belek Belek, le titre du spectacle ?
S.S. :
 Belek, ça veut dire : «  Attention, fais gaffe, sois vigilant!   » Par exemple, c’est une manière d’alerter lorsqu’on voit les flics approcher. J’ai trouvé intéressant d’utiliser ce cri de ralliement d’une jeunesse en urgence. Je reviens tout juste d’Algérie, et je ne m’attendais pas à voir un public aussi nombreux et aussi ému. C’est un pays de paradoxes. Et c’est ce que je voulais révéler à Banlieues Bleues : un peuple qui possède un rapport simple et sain, cash, à la vie. C’est ce qui va se passer sur scène, ce rapport cash. On va jouer sur la réalité, pas sur une image de carte postale.

Samedi 7 mars, 20.30
Algérie Belek Belek
La Dynamo de Banlieues Bleues 

9, rue Gabrielle-Josserand
01 49 22 10 10

Et aussi... 

Banlieues Bleues sera aussi l’occasion de parcourir la planète, avec des concerts tous azimuts. La création Love & Revenge Glory and Tears réunit sur scène la France, le Liban et l’Algérie, avec notamment, aux compositions et aux machines, le Libanais Rayess Beck (8 mars, 16.30). Cap ensuite sur la Colombie, avec le chant poétique et aride, sur fond d’électro onirique et minimaliste, de Lucrecia Dalt (10 mars, 20.30).
Le 11 mars à 20.30, Morgane Carnet, en résidence à La Dynamo, réjouira le public avec son spectacle Qonicho Ah !, dont la vedette sera sans conteste la batteuse punk-garage Blanche Lafuente. Le festival reçoit également, le 17 mars à 20.30, Dark Star Safari, un inédit électro-jazz concocté entre la Norvège et la Suisse, suivi d’une création du guitariste Maxime Delpierre, Naõned, grand habitué de Banlieues Bleues. Le lendemain à 20.30, l’Afrique fera vibrer les Quatre-Chemins avec de la musique urbaine du Ghana représentée par Fokn Bois et l’électro sabar sénégalais survolté de Guiss Guiss Bou Bess.
Les enfants ne seront pas en reste puisque, le 22 mars (16.30), Animal, imaginé par le tromboniste Fidel Fourneyron, leur est spécialement dédié. Prévert parade enfin, savamment orchestrée par le vocalchimiste André Minivielle et le quintette Papanosh, mettra la poésie à l’honneur le 24 mars (20.30).

La Dynamo de Banlieues Bleues 
9, rue Gabrielle-Josserand
01 49 22 10 10 - www.banlieuesbleues.org