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Culture

Spécial confinement #2 - La culture à Pantin

À Pantin, l’art est loin d’être à l’arrêt. Tandis que le théâtre du Fil de l’eau s’organise pour accueillir des répétitions, des danseurs en résidence dans la ville investissent La Seigneurie, une compagnie de théâtre se produit au collège et le jazz résonne à La Dynamo.
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans Canal n°292, décembre 2020.

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Danse et théâtre à La Seigneurie et au collège Joliot-Curie

En cette belle matinée de novembre, dans chacun des trois pavillons de l’Ehpad(1) La Seigneurie, un binôme de danseurs de la compagnie Himé, créée et dirigée par la danseuse et chorégraphe Kaori Ito, en résidence à Pantin depuis la saison dernière(2), s’adresse à huit résidents.

Exercices de relaxation, de respiration : le bien-être gagne les personnes âgées, à tel point que certaines paraissent endormies. Les six artistes enchaînent avec la présentation d’extraits de leur spectacle, dont certains suscitent des cris enthousiastes – des «  Waouh !  » fusant même lorsque l’une des interprètes réalise un porté de son partenaire. Ensuite, place à la discussion. L’occasion pour les uns de parler de leur art et, pour les autres, de se souvenir de leur première danse…

Depuis le début de la crise sanitaire, l’établissement a été durement touché par l’isolement des pensionnaires, l’arrêt brutal des activités et des visites des familles et, surtout, par les 27 décès dus à la Covid. Alors, ce jour-là, la présence de la compagnie Himé a mis du baume au cœur des spectateurs.

Pour les artistes, aussi, le moment s’est révélé salutaire : l’impression de pouvoir continuer à exercer leur métier, l’occasion de confirmer leur utilité sociale, la possibilité de préparer l’après... Kaori Ito, qui, si la situation sanitaire le permet, présentera «  Chers  », son nouveau spectacle, le 16 décembre salle Jacques-Brel, résume : «  Pour nous, cette période se révèle triste et frustrante. Nous avons dû annuler une quinzaine de dates. Donc, pouvoir danser et apporter du bonheur aux résidents d’un Ehpad compte beaucoup.  »

Rien que du bonheur !
Autre ambiance, le même jour, au collège Joliot-Curie. Devant quatre classes de quatrième pour quatre représentations, la compagnie Les Filles de Simone, complice de longue date du théâtre du Fil de l’Eau, jouait la première de sa pièce, «  La Reproduction des fougères  ». Chloé Oliveres, comédienne, co-créatrice et metteuse en scène, se réjouit : «  Nous nous préparons depuis un an et on se demandait s’il serait possible de jouer. Grâce à la ville, c’est mission accomplie. Malgré une jauge réduite, ce n’est que du bonheur !  »

Le spectacle de 45 minutes évoque, avec humour et légèreté, la vie sexuelle et affective des adolescents, les questions de puberté, les bouleversements physiologiques, les tabous, les complexes… «  Au final, nous abordons la question fondamentale de l’égalité fille-garçon, du consentement, du respect de l’autre  », précise Chloé.

À l’issue de la représentation, se tenait un débat en petits groupes : aux uns, les questions concrètes ; aux autres, des remarques plus profondes. Pour tous : un temps de spectacle et de réflexion bénéfique.

Mais revenons à La Seigneurie. À la fin de la rencontre, la musique jaillit de toute part : Let’s Twist Again, Billie Jean, un tube de James Brown et même… du zouk. Tous les résidents – «  Même ceux qui ne se lèvent jamais  », remarque le personnel – délaissent leur chaise.
Kaori Ito qui, à Pantin, prépare des ateliers avec des enfants de maternelle pour créer un spectacle jeune public, conclut : «  La danse touche des endroits profonds, inexplicables. Elle incarne le mouvement, l’émotion. C’est une vibration de vie !  » Une vibration de vie : voilà bien ce qu’offrent, au cœur de nos quotidiens confinés, ces bulles d’art.

(1) Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
(2) Résidence financée par la ville et le département pour la coproduction et la diffusion de son nouveau spectacle Chers et l’organisation d’actions culturelles dans les structures municipales.

Jazz non-stop à La Dynamo

Samedi 7 novembre. La scène de La Dynamo de Pantin, confinée, résonne des vibrations chatoyantes de l’Afrique. Dans le cadre du festival Visions d’exil, deux musiciens se produisent sans public, filmés pour une diffusion en streaming. «  Je n’avais pas joué depuis le premier confinement. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’exister à nouveau ! Ce livestream m’a également donné de la visibilité, jusque dans mon pays, la Guinée  », se réjouit Jules Julo, auteur d’un afro-folk à la simplicité élégante. 

Depuis le début de la crise sanitaire, le directeur de La Dynamo, Xavier Lemettre, désormais rodé au casse-tête des programmations chamboulées et passé maître dans l’art de l’adaptation, fait retentir la musique dans sa salle, en accord, bien sûr, avec les préconisations du ministère de la Culture : «  Au milieu du marasme, nous devons montrer que l’art et la vie continuent pour préserver le lien avec le public et préparer le monde d’après avec des projets et des créations.  » C’est ainsi que La Dynamo poursuit sa vocation de «  fabrique de la musique  ». 

Le 28 novembre, un concert exceptionnel, The Bridge, devait, à l’origine, réunir trois duos de jazz français d’exception et trois duos américains… qui évidemment n’ont pas pu être présents. Mais qu’à cela ne tienne ! Des deux côtés de l’Atlantique, les concerts ont été filmés, pour donner naissance à un documentaire. Quelques jours plus tard, les 30 novembre et 1er décembre, le festival Jazz Migration a également été capté afin d’être diffusé sur Culturebox. Quand le jazz est là... la Covid s’en va ?