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Culture

Catherine Tsekenis, la nouvelle directrice du CND

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Le 1er juillet, Catherine Tsekenis a succédé à Mathilde Monnier à la tête du Centre national de la danse. Cette ancienne directrice de la Fondation Hermès a également occupé des fonctions de conseillère au sein du ministère de la Culture qui l’ont amenée à participer à la fondation du CND. Connaissant très bien Pantin, elle revient, en avant-première pour Canal, sur son parcours et présente sa vision autant que ses ambitions pour cette structure d’envergure internationale unique en son genre. Rencontre.
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans Canal n°283, novembre 2019.

Canal : Vous êtes une ancienne danseuse professionnelle. Comment cet art est-il entré dans votre vie ?
Catherine Tsekenis : Cela reste un mystère. Je ne sais pas pourquoi, à cinq ou six ans, je dansais sans relâche dans le vestibule de ma maison. Si bien que mes parents m’ont inscrite à mon premier cours de danse. J’adorais ! J’ai ensuite intégré une 4e en horaires aménagés. Après un apprentissage en danse classique, j’ai vu, à 15-16 ans, Carolyn Carlson qui, à l’époque, dirigeait le Groupe de recherche théâtrale de l’Opéra de Paris. Ce fut un choc. Ce jour-là, j’ai su avec force que je devais danser ce genre de répertoire.

Comment définiriez-vous la place de la danse dans la société ?
C.T. : La danse, pour moi, c’est l’expression d’une création contemporaine, tout autant que des moments de partage et de lâcher-prise, dans une fête par exemple. C’est une expression fondamentale de l’homme, une manière d’entrer en communication avec son alter ego. Sur la planète, tout le monde s’adonne à cette activité. Surtout, la question sur la place du corps ouvre des champs d’exploration essentiels. Nous vivons dans un pays qui sacralise l’esprit. Or, le corps ouvre de belles perspectives. La danse raconte le monde, tout en étant indicible ; elle forge un espace critique par le sensible et porte un regard acéré sur la société.

Après une formation de direction de projets artistiques et culturels, vous avez travaillé auprès de chorégraphes tels Philippe Decouflé, Mathilde Monnier ou Hervé Robbe… Quelles compétences avez-vous développées à leurs côtés ?
C.T. : J’ai surtout travaillé avec Hervé Robbe pendant neuf ans. Je n’étais plus danseuse professionnelle, mais j’ai adoré cette mission de production aux côtés des chorégraphes. Dans ce type d’emploi, en plus de l’administratif, vous soutenez les artistes dans leurs réflexions, au plus proche de leurs doutes, de leurs envies, de leurs rêves, de leur création…

Vous avez ensuite travaillé au ministère de la Culture. Quelles y étaient vos missions ?
C.T. : J’y suis entrée en 1999 comme inspecteur à la création et aux enseignements artistiques avec trois missions : celle d’inspection, par la réalisation d’audits sur la programmation ou la fréquentation dans les centres chorégraphiques et les scènes nationales ; celle d’expertise artistique, où j’analysais les démarches et l’évolution de compagnies ; et celle de conseil sur l’évolution des enseignements, les subventions, les nouvelles pratiques… Au bout de trois ans, j’ai été nommée conseillère pour la danse auprès de la direction pour le spectacle vivant. J’y ai suivi de près la création du CND.

Après huit ans dans le public, vous rejoignez Hermès pour développer le mécénat puis diriger la Fondation. Un virage ?
C.T. : En effet. Je voulais bousculer mes codes dans un milieu qui m’était inconnu. Chez Hermès, pendant douze ans, j’ai travaillé sur l’identité de la maison et la promotion des savoir-faire artisanaux. J’ai été proactive sur différents projets et dans divers domaines : le spectacle vivant, la photographie, l’art contemporain, mais aussi la solidarité et la biodiversité. Pour moi, c’était formateur de travailler dans une société artisanale et commerciale sur des sujets d’intérêt général et de réfléchir sur nos responsabilités en tant qu’entreprise. J’ai ainsi lancé, en milieu scolaire, le programme Manufacto, la fabrique des savoir-faire, dont a bénéficié Pantin.

Vous connaissez donc bien Pantin…
C.T. : Oui. J’y ai fait de nombreux allers-retours. Sans compter que je faisais partie du conseil d’administration du CND au début de l’aventure. Et puis, mon grand-père y était directeur d’une école primaire près de l’église. J’aime cette ville, son dynamisme culturel, son brassage.

Et pourquoi avez-vous postulé à la tête du CND ?
C.T. : J’avais envie de nouveaux défis et j’ai candidaté avec beaucoup d’enthousiasme. Unique en France, le CND possède une mission nationale, tout en s’appuyant sur une expérience locale. Il bénéficie aussi d’une aura internationale que nous allons conforter et développer. Il dispose en outre d’énormes richesses internes, avec sa médiathèque incontournable sur la danse, son fonds d’archives extraordinaire, ses 14 studios… Il s’impose ainsi comme LE pôle ressources pour les danseurs, un outil précieux pour les professionnels et les amateurs. Ici, les administrateurs de compagnies peuvent se renseigner sur les contrats, les danseurs sur les reconversions… C’est un endroit stimulant.

Qu’allez-vous y développer ?
C.T. : Je vais capitaliser sur les réalisations de Mathilde Monnier pour aller plus loin. Ainsi, à moyen terme, j’aimerais développer le numérique afin que les professionnels trouvent en ligne toutes les informations présentes ici physiquement. J’aimerais aussi que nous soyons davantage performants en matière d’éducation artistique et culturelle, que nous puissions dispenser des bonnes pratiques et des formations aux intervenants dans les écoles et les centres de loisirs. Parmi nos chantiers, nous souhaitons également développer un pôle ressource autour de la santé des danseurs, accentuer la formation à la médiation dans les théâtres ou les centres chorégraphiques. Surtout, nous désirons accroître la visibilité de la danse et intensifier la recherche autour de ce champ. C’est en asseyant ses bases théoriques qu’on peut être pédagogique. Je voudrais enfin organiser des colloques internationaux autour de spectacles, d’expositions, de grandes thématiques… Je veux en effet que le lieu devienne incontournable pour les professionnels et bénéficie d’une résonance internationale.