Cie El Nucleo © ville de Pantin 

Culture

Les nouveaux modes d'accès à la culture !

Un an. Un an que, Covid oblige, le rideau est tombé sur le monde de l’art et du spectacle vivant. À Pantin, loin d’abdiquer, les acteurs de la culture réinventent leurs pratiques.
Extrait du dossier, " Réinventons la culture ! ", réalisé par Anne-Laure Lemancel, Guillaume Gesret et Hana Levy, publié dans Canal n°295, avril 2021.

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Noir sur la salle. Murmures du public. Magie de l’instant. Émois du spectacle à venir. Les acrobates foulent la scène du théâtre du Fil de l’eau. Sur la page Facebook de la ville, un internaute écrit : «  Bonsoir Pantin ! Bon spectacle à tous !  » Et nous voici réunis, ce soir du 9 mars, derrière nos écrans, à savourer en livestream, «  Éternels idiots  », un spectacle de cirque jubilatoire imaginé par la compagnie El Nucleo. Grâce au ballet voltigeur de cinq caméras, nous sommes au plus proche des mouvements des artistes, de leurs portés, de leur visage en tension… Du sens. De l’émotion. Directeur artistique, Edward Aleman, se refusait jusqu’alors à l’exercice. Mais, après une année sans jouer, il a accepté de relever le défi. «  L’expérience fut riche, admet-il rétrospectivement. L’occasion de se retrouver et de côtoyer de nouveau des techniciens dans un théâtre.  » Le lendemain, la troupe révélait son spectacle «  Marelle aux enfants  » du centre de loisirs Gavroche. «  Formidable, ce public ! Le bonheur…  », s’émeut Edward.

Alternatives créatives
Après une année de pandémie, la direction de la Culture de la ville s’est réinventée en proposant cette Saison bis, laquelle se traduit aussi par la présence accrue des artistes dans les écoles et collèges (le circassien Juan Ignacio Tula), au sein de La Seigneurie et du lycée Lucie-Aubrac (la danseuse Kaori Ito) ou encore par des visites-découverte des métiers techniques du spectacle au théâtre du Fil de l’eau. Cette programmation parallèle a également vu naître de nouvelles formes de spectacles, à l’image des «  Rendez-vous à l’œil et à l’oreille  », des sessions artistiques dévoilées par téléphone et portées par cinq compagnies, dont le Githec, Groupe d’intervention théâtrale et cinématographique implanté aux Courtillières et œuvrant à la démocratisation de la culture. Dirigée par Guy Bénisty, la compagnie propose des lectures à la première personne d’œuvres littéraires : «  Le Bateau ivre » de Rimbaud, un texte de Mahmoud Darwich ou encore un monologue de Richard III de Shakespeare. «  Ces relations nouvelles avec le public et cette présence sur le terrain font un bien fou aux équipes et aux artistes  », remarque Charline Nicolas, adjointe au maire déléguée aux Cultures, aux Mémoires et aux Patrimoines.

Rendez-vous en ligne
Ailleurs à Pantin, on a cherché à s’adapter pour maintenir le lien avec le public : Nuit des conservatoires en ligne en janvier, mises en musique d’œuvres du Fonds régional d’art contemporain de Romainville par des élèves des conservatoires d’Est Ensemble les 6 et 7 mars, accueil d’une compagnie de danse et d’une exposition visible depuis l’extérieur au Ciné 104…
Jusqu’au 16 avril, Banlieues Bleues, le festival de jazz de Seine-Saint-Denis, reprend quant à lui sa traditionnelle itinérance pour la transposer en vidéo. Huit concerts seront ainsi filmés dans sept villes avec un fort parti pris artistique. Pantin accueillera donc le quartet Limousine pour un concert-rétrospective filmé à La Dynamo et le quartet Felipe Cabrera qui dévoilera Medusa. Cette création, inspirée par le confinement, verra la participation de la danseuse Judith Sanchez Ruiz.
De son côté, «  Hors Limites  », festival littéraire qui rayonne sur tout le département, déroule, jusqu’au 10 avril, une programmation faite de podcasts, de rencontres en live, de visio-conférences, de performances filmées…

Penser autrement
C’est que l’étrange situation que nous vivons est aussi l’occasion de repenser l’art, sa diffusion et sa réception. Ainsi, Guy Bénisty prépare-t-il un spectacle sur l’application Zoom : «  C’est un pacte avec l’avenir : il y a des processus à inventer sur le web, intéressants d’un point de vue dramaturgique. Ces nouvelles technologies, qui font vaciller les cadres de la diffusion classique, pourraient aussi être l’occasion de s’interroger sur la diversité des spectateurs, voire de l’améliorer.  » Le directeur de Banlieues Bleues, Xavier Lemettre, renchérit : «  Le côté créatif subsiste dans la possibilité d’expérimenter de nouvelles formes, d’imaginer des pratiques inédites…  »
En attendant, tous planchent sur une réouverture grandeur nature, peut-être avant l’été, avec en points de mire, entre autres, la Biennale urbaine de spectacles début juillet, un «  camp d’été  » proposé par Banlieues Bleues et Hôtel Sahara, une exposition à découvrir à partir du 12 juin aux Magasins généraux.

LA BANLIEUE, CAPITALE EUROPEENNE DE LA CULTURE 2028 ?
En 2028, quelle ville française succédera à Marseille, capitale européenne de la culture 2013 ? Parmi les candidatures, celle portée par un collectif de citoyens, La Banlieue, capitale de la culture 2028, se démarque : elle réunit en effet 50 villes périphériques. Parmi les instigateurs du projet, trois Pantinois : Wael Sghaier, documentariste, auteur de «  Mon Incroyable 93  », Françoise Billot, ex-fonctionnaire de la direction de la Culture du département et Antoine Cochain, producteur. «  Par cette candidature plurielle, nous souhaitons tisser des passerelles entre des villes de banlieue de toute la France, dont l’imaginaire est commun. Il s’agit pour nous de questionner nos récits partagés  », explique Wael Sghaier. Françoise Billot renchérit : «  Nous voulons sortir des clichés d’une banlieue synonyme de violence et explorer ces territoires de migrations, sources de richesse.  » Et le collectif planche activement sur le projet ! «  Cela nous permet d’ouvrir des horizons en temps de Covid  », conclut Françoise Billot.
Plus d’infos sur : www.banlieuecapitale2028.fr

4 questions à…

Charline Nicolas, adjointe au maire déléguée aux Cultures, aux Mémoires et aux Patrimoines

Canal :En quoi cette mise à l’arrêt de la culture est-elle si dommageable pour l’ensemble de la population ?
Charline Nicolas : La culture est un bien essentiel qui apaise, donne du sens, une richesse qui favorise le lien social, l’imagination, les rencontres, le brassage des populations… Avec ce rideau tiré sur le spectacle vivant et la fermeture des musées, nous voici doublement confinés, dans nos vies et dans nos têtes. La culture est vitale pour lutter contre la déprime générale qui guette les Français.

À l’heure où des artistes et intermittents se battent pour la réouverture des lieux de culture, des initiatives subsistent à Pantin…
C.N. : Oui. La ville s’est engagée à 200 % pour soutenir la communauté artistique et le monde culturel. Bien sûr, notre saison n’a pas pu avoir lieu telle qu’elle était prévue, mais nous avons tenté de rebondir en créant une Saison bis, hors les murs, qui imagine d’autres types de spectacles, d’autres modalités de diffusion. De la même manière, nos partenaires, à l’image de Banlieues Bleues ou du Ciné 104, perpétuent leurs actions culturelles auprès de leurs publics. Toutes ces précieuses initiatives sont autant d’occasions d’attirer de nouveaux spectateurs.

Cette Saison bis est-elle aussi un moyen de soutenir les artistes privés de ressources et de public ?
C.N. : Bien sûr ! Grâce à elle, nous les faisons travailler, nous les rémunérons et nous essayons de les remettre en contact avec le public, à travers des procédés différents. Alors, même si nous ne gérons pas le système d’indemnisation des intermittents du spectacle, nous les accompagnons à notre niveau.

Entrevoyez-vous le bout du tunnel et la réouverture des théâtres ?
C.N. : Nous avançons à petits pas, semaine après semaine, avec l’espoir de pouvoir assurer les spectacles prévus en mai et juin. Et puis, nous travaillons activement sur la saison 2021-2022 qui, à n’en pas douter, sera merveilleuse : nous avons tellement hâte de nous retrouver.