photos d'enfants pendant le conseil des enfants pantinois
© Fatima Jellaoui

Démocratie locale

Des enfants bien dans leur ville

Mercredi 19 mars, les 40 membres du Conseil des enfants pantinois se sont rendus à l’Assemblée nationale afin de découvrir l’une des plus importantes institutions politiques du pays. Ils ont ensuite poursuivi la discussion avec le maire, Bertrand Kern, et son premier adjoint, Mathieu Monot.

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«On dirait la Maison Blanche !, s’émerveille Joud, 10 ans. J’ai fait des recherches sur internet et là, je vais voir l’Assemblée nationale en vrai ! » La magistrale salle des pas perdus, entourée d’une double haie d’honneur de gardes républicains, la salle des Quatre-Colonnes, où se déroulent généralement les interviews, et, enfin, l’hémicycle, vieux de plus de deux siècles, laissent sans voix les petits conseillers.

Retrouvez tous les articles du dossier « Propreté : l'affaire de tous », réalisé par Christophe Dutheil, Frédéric Fuzier, Guillaume Gesret et Guillaume Théchi : 

► Dans Canal n°336 (mai 2025)
► Dans la rubrique "Aller plus loin"

Enfin presque… « C’est gigantesque et ça résonne ! », remarque Myriam, 10 ans, qui se verrait bien conseillère municipale quand elle sera grande. En attendant, la délégation quitte le Palais Bourbon. Direction l’hôtel de ville de Pantin pour échanger avec le maire, Bertrand Kern, et son premier adjoint, Mathieu Monot.

Leur manière de voir les choses

Depuis 2006, le Conseil des enfants pantinois réunit 40 jeunes âgés de 9 à 11 ans inscrits dans un centre de loisirs et tirés au sort. Cette année, ils travaillent sur le thème « La Ville à hauteur d’enfants ». Depuis leur installation le 9 octobre, ils ont ainsi débattu de la défense de la nature en ville avec la Maison de la philosophie de Romainville et ont analysé les moyens de déplacement, le mobilier urbain et les espaces végétalisés des quartiers Église et Quatre-Chemins à la faveur de balades urbaines guidées par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-Saint-Denis (CAUE 93). Ils ont également été formés aux droits des enfants et ont réalisé un micro-trottoir en compagnie de l’association Des cris des villes. « Tout cela les a amenés à réfléchir à la manière dont ils voient les choses, résume Mathilde Paillet, chargée de mission Participation citoyenne. L’objectif est qu’ils formulent des recommandations pour adapter la ville à leurs besoins. »

Des propositions concrètes

Prochaine étape : le 21 mai, à Lille, où les conseillers participeront à l’UNIday, une journée festive sur les droits de l’enfant portée par l’Unicef. Ils rencontreront aussi leurs collègues locaux et découvriront les aménagements urbains réalisés par et pour les enfants. Mercredi 4 juin, ils réaliseront, avec le CAUE, des aménagements urbains temporaires, fruits de leur réflexion.

Et ne manquez surtout pas la clôture de leur mandat, le jeudi 19 juin, date à laquelle sera projeté, au Ciné 104, un documentaire retraçant leurs aventures et où ils remettront officiellement leurs préconisations à Bertrand Kern.

  • Restitution des mandats du Conseil des enfants et du Conseil des jeunes : jeudi 19 juin, de 18.00 à 20.00, au Ciné 104 (104, avenue Jean-Lolive)
  • Inscriptions : jeparticipe.pantin.fr

Interview :  « Favoriser l’engagement citoyen » 

Doctorante en géographie sociale, Louise Dauthieux suit les travaux du Conseil des enfants pantinois dans le cadre de la préparation de sa thèse portant sur la prise en compte de la parole des enfants en contexte urbain.

Canal : En quoi les conseils des enfants sont-ils importants ?
Louise Dauthieux : Bien que facultatifs et sans cadre juridique imposé, ces conseils poursuivent un double objectif : favoriser l’engagement citoyen des plus jeunes et les sensibiliser à la démocratie locale. Lorsque la démarche est menée de façon inclusive et réflexive, elle peut offrir à une municipalité une plus-value précieuse : le regard d’une partie des enfants sur son territoire et la possibilité d’intégrer leurs besoins, notamment sur les questions d’aménagement urbain, dans les politiques publiques.

Et pour les enfants, quels sont les bienfaits de ce type d’exercice ?
L.D
. : En raison de leur dépendance structurelle vis-à-vis des adultes, les enfants sont souvent perçus comme des citoyens en devenir et non comme des citoyens légitimes, à part entière. Dans ce contexte, il est nécessaire que des espaces d’émancipation soient créés pour eux afin qu’ils puissent « exprimer librement leurs opinions sur toute question les intéressant » et que ces dernières soient « dûment prises en considération », comme l’impose la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée en 1989.

Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
L.D. : Le Conseil des enfants pantinois se distingue de ses homologues du fait du tirage au sort qui permet de désigner ses membres. Cela évite la surreprésentation des enfants issus de milieux favorisés, mais aussi des plus à l’aise à l’oral ou des plus populaires. Par ailleurs, le mandat 2024-2025 a fait l’objet d’une co-construction du programme et des méthodologies employées entre la ville et moi-même qui suis doctorante en géographie sociale. Cela a permis d’expérimenter de nouveaux outils pour recueillir la parole des enfants.

Et aussi...À Joliot-Curie, les collégiens participent !

Au sein de l’établissement de l’avenue Jean-Lolive, deux instances composées d’élèves permettent d’animer la vie du collège et de faire baisser les tensions. Présentation.

Le Conseil de vie collégienne (CVC), créé il y a cinq ans à Joliot-Curie, se compose de 20 élèves, des deux conseillers principaux d’éducation (CPE), de la direction, d’un professeur et d’un parent d’élève. Tous les collégiens peuvent se porter candidats pour l’intégrer. Le vote se déroule en octobre sur Pronote, le logiciel de gestion de la vie scolaire de l’Éducation nationale, et l’instance se réunit une fois par mois. « Nous essayons de trouver des réponses aux problèmes soulevés par les élèves, indique Wijdane, 13 ans. Ils peuvent concerner les toilettes, la cantine, les salles de classe… »

Le CVC donne aussi l’occasion à ses membres, élus pour 2 ans, de participer à l’animation du collège. « Ils élaborent des propositions d’aménagement des lieux de vie, proposent des clubs ou impulsent des actions solidaires comme, par exemple, la course contre la faim le 21 mai au stade Charles-Auray », précise Marie Derambure, l’une des deux CPE de l’établissement. 

Des médiateurs pour résoudre les conflits

Autre instance de démocratie participative ayant vu le jour au sein de l’établissement : les médiateurs. « Une vingtaine d’élèves de tout niveau sont formés à la médiation, reprend Marie Derambure. Ces derniers ont pour mission d’intervenir en cas de moqueries, d’insultes, d’agressivité, de mise à l’écart, d’incivilités ou de mauvaises plaisanteries avant que cela ne s’envenime. » Concrètement, chaque élève a la possibilité de faire une demande à la vie scolaire. Deux médiateurs entament ensuite un dialogue dans le calme, sans jugement et en toute confidentialité. « C’est très instructif d’écouter les problèmes des autres, de les amener à parler sereinement et de les pousser à la réflexion », conclut Makenson, élève de troisième.